ALI MEGHAZI
La vie toujours dans le bleu
Selected Poems
La vie toujours dans le bleu
Pierre était ma vie.. Quand tes bras se sont fermés sur moi, ma vie est devenue forêt
dans un arbre où chaque branche..
Où chaque bourgeon déracine le vent..
L'eau peut-elle s'imprégner du seau..!..
Le fruit peut-il savourer celui qui le mange..!..
L'abeille a devancé la fleur.. Sur la branche la fenêtre s'est penchée.. Et de tout côté les
ruines froides exultent en silence..
● ● ●
Enfin..
Tu es là.. Tous les baisers sont ta main..
● ● ●
Ta douceur insidieuse m’enveloppe tandis qu’au-dedans la mélodie rêveuse pourchasse
ma tristesse antique..
● ● ●
Le ciel..
Le ciel céleste pleut dans tes yeux et je m’abandonne à la lumière ambrée
Se répandant par les interstices du corps..
Au souffle..
Réglant le temps au rythme du florissant désir..
Aux pétales..
Epaulant contre moi le vent
Aux rêves fermant leur paupière..
Leur paupière brunie
Sur un enfant en tête qui n’a pas encore dépassé son âge.
● ● ●
Aaaaaaah…
Je veux que le sommet atteigne mon être
Je veux me sentir près de toi
Sentir que tu es en moi..
Que tu es proche
Que je suis ton dedans sortant à moi
Et ne pas savoir où j’étais ni par quelle fin je commence
● ● ●
Souviens-toi :
Je me contente de ta prolifération en moi..
● ● ●
Je t’ai inoculée de ma veine et j’ai joui
J’ai vu le soleil revenir d’une tâche de lumière sur ton épaule pleine de rousseurs
J’ai vu..
Ô ma bien-aimée
Ô celle dont je suis le bien-aimé
Que tout ce qui est en dehors de toi.. n’est que mouches sur l’aile d’un aigle
Que tout ce qui est en dehors de moi.. n’est qu’eunuques à la porte du harem.
● ● ●
Depuis que tu m’as habité j’ai une maison
Le mot a acquis une couleur..
La couleur une forme..
La forme des odeurs où se propage le vent..
Le vent balloté par tes cheveux..
Tes cheveux sont encore humides à la nuque après la douche..
Et la table en face de ton genou prospère…
La table saigne des couleurs qui incitent le bleu du derrière
A dévoiler le moindre pli fier responsable pendant cet hiver de mes fantasmes les plus
sauvages..
Mes fantasmes qui
Ont
La forme
D’un pélican tournant son cou parfait..
● ● ●
Il est impossible de photographier certains oiseaux aux becs trop coquets..
● ● ●
Ô toi la brumeuse telle une parole chuchotée dans l’oreille..
Je t’aime..
… …
… …
Que l’éloquence se déverse
Dans un cas pareil les lèvres exagèrent en général leur fondant
Et ce coeur..
Ce coeur n’a de cesse de battre jusqu’à ce que se repaisse de lui le feu
Nana
J’aime ta joue ardente
J’aime ta lèvre teintée vermillon
Ton nez gracile et doux
Tes yeux cristallins
● ● ●
J’aime les ondes de lumière… surprenant ton sommeil cadencé
L’ambiance de ta saveur dans le futur et le passé
Le tatouage du tour de l’ombilic sentant le gingembre
La lumière susurrant autour du ventre comme dans un diamant
● ● ●
J’aime les couleurs lorsqu’elles se vêtissent de tes battements
L’eau quand tu la mouilles
Les rivières se déchaussant de leur sainteté en adoration devant tes souliers
● ● ●
J’aime tes dunes verdoyantes
Lorsqu’elles m’appellent
Et lorsque m’appelle
La vie qui s’échappe par les fentes de l’oubli.
Monastir
Monastir..,
Rue Nelson Mandela…
● ● ●
Une véranda haut perchée
Qui séduit l’abondance des champs fertiles
Une porte se ferme
Une fenêtre s’ouvre..
Une fenêtre aux rideaux pourpre s’ouvre sur un rêve
Et rien derrière le rêve pourpre hormis ton regard
Ton regard où réside la couleur de tes yeux
Rien derrière le charme hormis tes battements ruisselants
● ● ●
Rien… derrière les citadelles
Derrière les tours circulaires
Derrière la muraille éminente
Hormis ma tristesse allongée sur les violettes de tes genoux…
● ● ●
Tu es l’antique Ruspina
Et moi Hannibal le carthaginois revenant de mes guerres contre l’oubli
● ● ●
Une porte se ferme
Une fenêtre s’ouvre..
Rien derrière le soleil hormis tes cheveux dorés
Je me perds… mais leur parfum me repêche
Leur parfum c’est l’écoute de la brume
Il est la méditation de la sève..
Rara, ô mon amour kairouanais éternel
● ● ●
Que poursuis-je au juste.. Toi ou ma fuite devant toi?
● ● ●
J’écris ce que me dicte ton corps clair et cela te fait rire…
Je te dis ce que profère ton silence tout en faisant l’éloquent…
● ● ●
Toute parole en dehors du cercle de ton flanc est surenchère
Tout chant qui n’imite pas tes battements est prêche
Tout roi qui ne vénère pas tes souliers est esclave
Toute langue qui ne t’épelle pas est verbiage
Toute route qui ne regagne pas ses bords pour ton passage est clôture
Toute clôture qui ne se ferme pas en toi est abîme
Toute pluie sur laquelle tu ne tombes pas est sécheresse
Tout pays où tu n’habites pas…
Tout pays qui ne se refugie pas en toi est exil
● ● ●
Rara
Ô suprême vague qui sculpte sur le littoral rocheux
Ma demeure et ma sépulture ultime
VITKA
« Plus belle
Qu’une lune
Qui tombe maintenant…
Plus grande
Que tout saule qui s’incline
Pour étreindre le vent
Dans mon pays »
Vitka s’en va
Vitka revient
Les rues étaient mouillées par le mirage
Et les cailloux sous ses pieds prenaient racine…
Vitka s’en va
Vitka revient
J’ai entendu le gémissement de mon sang et j’ai tremblé
J’ai été surpris par le visage d’un enfant
Qui cherchait un sens au vide pour le sentir et s’endormir
Par un pays dont l’obscurité accouche sur ses genoux
Elle s’en va et revient
Elle revient et s’en va
Vitka
Cinq papillons se sont partagé les ombres
Et ton corps se dressait,
● ● ●
Cinq papillons ont répandu les roses sous les ongles du vent
Ton corps parmi les chevaux du vide construisait un site pour la nature et réordonnait les saisons, il semblait clair comme une phrase écrite sur une ancienne tombe…
Enigmatique comme la prophétie de l’époque opposée
Aux tombes qui marchent
Et au temps figé dans les cellules du sablier
Ton corps était la clé du poème
● ● ●
Vitka
Le pull en laine, les chaussures noires et brillantes
La lumière qui fond dans les yeux
Et devient sel et distances… Je me suis souvenu de toi
Je ne me suis pas enfui dans ma vision comme d’habitude
Je n’ai pas teint mon sang par le doute
J’ai jailli avec la source
Et la terre s’est penchée vers moi
Et m’a fait pencher vers elle
Vers où ? D’où ?
Un chant extérieur est récupéré
Le pull en laine, les chaussures noires et brillantes
Et la lumière qui fond dans les yeux et devient sel et légendes d’un pays.
« Plus vaste que toute prison
Appelée mon pays
Plus profond que tout fleuve paralysé
Et se promenant parmi les miroirs de la poussière
O pierre qui repose
Dans la langue du pain et des autorités
Les tombes marchent pour que le temps s’arrête
Les vergers aboient pour que
Les nuages se prosternent devant les affiches et les photos
Mon exil
Mes pas
Mes péchés».
Prélude
A la marge du texte , il y a toujours une femme
Qui attend un signe
Je me manifeste
Elle enlève son ombre et plonge dans la phrase.
Il a fallu
Il a fallu de la tristesse pour que le gris s’écoule
Pour que nus tombions telles des feuilles
Ensemble, en silence
Puis vient le chant
Il a fallu du désespoir
Pour que vive l’espoir.
Rapport poétique
Sur cette petite terre
Il y a les enfants, les poètes, les chats mélancoliques
Il y a les poissons séchés et la culture.
Il y a les richesses et les révolutions
Les habits de deuil…
Et la sagesse des ancêtres
Il y tout
L’ascétisme, la prostitution, l’armée, l’eau,
Les radios, et l’air.
Il y a la pensée orientée,
Les boudoirs, les imprimeries, les gouvernements, les métonymies,
Les grenouilles et les canons.
Il y a l’enseignement, la voyance,
Il y a des trottoirs,
Des lapins,
Des araignées
Et des philosophes.
Dans mon pays
Dans mon pays trente mille femmes meurent chaque jour
Meurent les visions chaleureuses et les étoiles
Et mon pays…
Mon pays est une ruine
C’est pourquoi chutent maintenant
Dans mon café un brin de cheveu et une mouche.
Ali Meghazi
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